Toujours la même accusation antisémite de meurtre rituel
Les excuses présentées par l’hebdomadaire britannique, The Sunday Times à cause d’un dessin antisémite publié le jour même de la commémoration de la Shoah, ne répond qu’à un seul aspect de ce problème, même si cela paraît essentiel.Le journal a déclaré que la publication de cette illustration « constituait une erreur et qu’elle avait franchi la ligne rouge du mauvais goût ».
Il a admis que la caricature de Gerald Scarfe reflétait « une iconographie historiquement située, de nature persécutrice, voire carrément antisémite-1- ».
Le dessin montrait le Premier ministre israélien, Binyamin Netanyahou en train de bâtir un mur en utilisant comme ciment ce qui apparaissait être le sang des Palestiniens.
La légende indiquait : « Est-ce que l’effort visant à cimenter la paix va se poursuivre ? ».
L’importance de présenter des excuses, réside, en général, dans le fait que l’offenseur et la victime sont d’accord pour dire que ce qui a eu lieu était déplacé.
Dans ce cas, cependant, les excuses soulignent la nécessité de se poser, en corollaire, plusieurs autres questions.
L’un des problèmes qui n’est pas résolu, c’est que le dessin inversait le sens de la vérité, plutôt qu’il ne l’exagérait.
Scarfe suggérait que ce qui reste principalement une barrière de sécurité – présentée ici comme un mur- était destinée à tuer les Palestiniens.
En réalité, elle a été construite dans le but d’empêcher les assassins palestiniens d’entrer en Israël pour tuer des civils israéliens.
En outre, le dessin illustre un thème antisémite déterminant, qui prend sa source originelle en Grande-Bretagne –l’accusation de crime rituel.A cette époque, on prétendait mensongèrement que les Juifs avaient tué un enfant chrétien de 12 ans, appelé William, dans un but rituel.
La légende s’est alors propagée aux alentours.
Quelques décennies plus tard, comme en beaucoup d’autres endroits d’Angleterre, tous les Juifs de Norwich furent massacrés.
Depuis la Grande-Bretagne, l’accusation de crime rituel s’est répandue dans d’autres pays chrétiens.
Une autre importante question vient ensuite : mais, où sont donc passées les excuses concernant d’autres dessins employant une iconographie qui rappellent l’accusation de crime rituel, aussi bien en Angleterre que partout ailleurs ?
La caricature la plus connue, dans le même genre, est, probablement, celle publiée dans le quotidien britannique «The Independent».
Dave Brown y avait représenté le Premier ministre israélien d’alors, Ariel Sharon en dévoreur d’enfant.
Ce quotidien n’a jamais présenté la moindre excuse pour cette illustration antisémite
En réponse aux protestations, la Commission des plaintes de la presse du Royaume-Uni a disculpé le dessin de Brown.
Il l’a même, plus tard, « normalisé », puisqu’il a remporté le « Prix de la meilleure caricature politique de l’année 2003 » remis par la Société du Dessin Politique.
Le prix a été remis à Brown en novembre 2003, dans les bureaux du prestigieux hebdomadaire «The Economist,» par la Députée travailliste et ancienne Ministre de la coopération à l’étranger, Clare Short-2-.
Clare ShortA cette époque, l’Ambassadeur d’Israël au Royaume-Uni était Zvi Shtauber.
Il m’a, plus tard, confié que : « Simon Kelner, le rédacteur en chef de «The Independent» est Juif.
J’ai alors demandé à Kelner si jamais «The Independent» avait déjà publié une caricature de ce genre à l’encontre d’une personnalité publique.
Il a dû retourner dix-huit ans en arrière pour en retrouver une de ce tonneau.
Tim Benson, le Président de la Société des Dessinateurs Politiques… ne voyait rien qui cloche dans le fait qu’un dessin raciste remporte ce prix -3-».
«The Independent» n’était pas l’unique journal se prétendant “progressiste” à imprimer des dessins d’accusation de crime rituel.
Au beau milieu de la décennie précédente, un Juif, Michaël Howard était, à l’époque, dirigeant du Parti Conservateur, alors dans l’opposition.
En avril 2005, «The Guardian» a publié un dessin de Steve Bell faisant le portrait d’Howard avec des dents de vampire dégoulinant de sang, et tenant à la main un verre rempli de sang.
La légende ironisait :
« Buvez-vous ce que nous buvons ? Votez Conservateur ! -4- ».
Afin d’ajouter l’insulte à l’affront, Annabel Crabb, de la Corporation des Programmes australiens, a fait son éloge, lors d’une interview télévisée, pour avoir réalisé ce dessin-5-.
Bell a donc continué à dessiner un peu partout, Howard avec des dents de vampires-6-.
Le chercheur en sciences politiques belge, Joël Kotek, dispose d’une collection de milliers de caricatures de haine anti-israélienne et antisémite, provenant aussi bien des médias occidentaux que du monde arabe.
Il en a publié une sélection dans son livre : «Cartoons and Extremism» «Dessins et Extrémisme» »>Article original.
Il suffit, tout simplement, de comparer les caricatures britanniques qu’on vient de mentionner ci-dessus, avec cette large collection en provenance, principalement, du monde arabe et certaines, de la période nazie, pour comprendre à quel point leur illustration convient parfaitement pour y prendre toute sa place-7-.
Une étude de l’Université de Bielefeld, conduite pour la fondation Friedrich Ebert, un Social-Démocrate, a découvert, en 2011, que «42% des Britanniques – un pourcentage similaire à celui d’autres pays européens – pensent qu’Israël mène une guerre d’extermination contre les Palestiniens»-8-.
On devrait, alors, se poser une question essentielle : qui a bien pu semer les germes de cette vision du monde extrême et antisémite dans les esprits des Britanniques ?
Ces dessins ne sont ainsi que le sommet de l’iceberg d’une question infiniment plus profonde qui concerne les autorités britanniques et leur population dans son ensemble.
Les excuses d’un journal sont justes, lorsqu’elles déclarent : “L’image que nous avons publiée de Binyamin Netanyahou… apparaissait le montrer comme un consommateur du sang des Palestiniens ».
Une question qu’on peut se poser, maintenant, c’est : quels hommes politiques, médias, ONG, universitaires et syndicalistes britanniques ont, de façon régulière et constante, contribué à renforcer l’image « génocidaire » qui vient immédiatement à l’esprit de tant de Britanniques, dès qu’il s’agit d’Israël ?
Le fait de générer cette vision du monde était bien plus qu’une simple « erreur ».
C’est un crime.
Ici, des lignes d’une amplitude bien plus vaste qu’une seule caricature publiée, précisément, le Jour de la commémoration internationale de la Shoah, ont été franchies.
Le Dr. Manfred Gerstenfeld est membre du Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem, qu’il a présidé pendant 12 ans. Il a publié 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.
-1-“Sunday Times apologizes for Netanyahu cartoon,” 3 February 2013.
-2-www.politicalcartoon.co.uk/html/exhibition.html.
-3-Manfred Gerstenfeld, interview with Zvi Shtauber, “British Attitudes toward Israel and the Jews,” Europe: An Expanding Abyss,? (Jerusalem: Jerusalem Center for Public Affairs and Konrad Adenauer Stiftung, 2005), 188.
-4-http://www.guardian.co.uk/cartoons/stevebell/0,,1454141,00.html
-5-http://www.abc.net.au/insiders/content/2005/s1357217.htm
-6-http://www.guardian.co.uk/cartoons/stevebell/0,,1319967,00.html
-7-Joël Kotek, Cartoons and Extremism, (Middlesex: Vallentine Mitchell, 2009).
-8-library.fes.de/pdf-files/do/07908-20110311.pdf.